Entretien avec Cordelia de Castellane – Directrice artistique de Dior Maison

Publié le 11 juillet 2025
5 minutes
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Cordelia de Castellane

Interview Cordelia de Castellane
Directrice artistique de Dior Maison et Baby Dior, ainsi que du groupe d’hospitalité Paris Society

Par Katia Kulawick-Assante

 

Directrice artistique de Dior Maison et Baby Dior, ainsi que du groupe d’hospitalité Paris Society, Cordelia de Castellane sème ses décors fleuris et colorés, maximalistes et romantiques. Inspirée par les tendances décoratives du XIXe siècle, les antiquités et autres objets à histoire, elle redonne vie à des adresses des fleurons parisiens et a ouvert son propre Flower Coffee Shop rive gauche. Rencontre.

 

Quels sont vos liens avec Paris ?

J’ai grandi entre la montagne et Paris. Paris a toujours eu une place très importante dans ma vie. Je suis une vraie parisienne, même si je porte en moi cette dualité d’être en même temps une vraie petite Heidi – ou une fille de la campagne – de par mes affinités. Lorsque je passe trop de temps dans la nature, Paris me manque. Sa beauté, son ambiance, ses rues, ses passants, car j’adore regarder les parisiens. C’est une des plus belles villes du monde, celle de tous les rêves, toujours inspirante. Elle reste ma ville d’ancrage.

 

A quoi ressemble une journée avec Cordelia de Castellane à Paris ?

J’ai une chance incroyable. J’habite près de Saint-Germain-des-Prés et je traverse les tuileries tous les jours, ce qui est plutôt agréable ! Chaque matin, je pars au bureau, avenue Montaigne, à pied, avec mon chien. J’adore prendre mon petit-déjeuner dans un café – je ne le prends jamais chez moi. De Saint-Germain à l’avenue Montaigne, le passage entre les deux rives est magnifique et la traversée des ponts, magique. Et puis ces couleurs : gris Paris, bleu crépuscule et de temps en temps ces roses sont très inspirants. D’ailleurs, c’était les couleurs de Monsieur Dior, celles qui ont fait son pantonier, donc cela me parle beaucoup. Chez Dior, je baigne dans un univers extrêmement parisien. Je passe mes journées à travailler sur les collections Dior Maison et Baby Dior, jusqu’à 16-17H. Puis, je laisse la place à mes projets personnels : je passe à mon studio de création, je vais voir un chantier ou j’enchaine des rendez-vous.

 

Que représente la maison Dior pour vous ? Est-ce une histoire de famille puisque votre cousine, Victoire de Castellane est directrice artistique de Dior Joaillerie ?

Victoire travaille chez Dior depuis 27 ans et moi depuis 15 ans, mais je dois dire que c’est un hasard total. On doit avoir des personnalités qui plaisent à Dior, une magnifique maison pour laquelle nous sommes très heureuses de travailler. Il est vrai que ma vie parisienne tourne autour de Dior, et tout ce que mon métier implique : J’aime notamment les recherches en bibliothèque, je pense au Musée des Arts Décoratifs avec sa librairie extraordinaire qui donne sur les tuileries, fondée en 1864, un lieu de référence avec plus de 350 000 documents. On a la chance d’avoir beaucoup d’archives à Paris.

 

Vous aimez passer du temps dans des lieux culturels parisiens ?

Enormément. J’adore la recherche en bibliothèque, je suis assez studieuse et j’aime commencer de nouveaux projets avec des vrais fondements. On peut raconter n’importe quelle folie grâce à son imagination, mais pour moi, il faut toujours qu’il y ait quelque chose qui nous relie à l’histoire de l’art, du pays, des cultures.

 

Et vous aimez les cafés parisiens ?

En fait, je suis une grande solitaire donc quand je suis dans une ville, c’est parfois un peu dur pour moi – parce que le bruit n’est pas chose facile à gérer. Mais bizarrement j’adore aller au café à des heures calmes, notamment au 1er étage du Flore. J’adore travailler de là-haut. Quand on ne me trouve pas, c’est que je suis là-bas (rire)… J’ai beaucoup de mal à travailler assise au bureau. J’y fais bien sûr les réunions, les recherches, le lien avec mes studios mais quand j’ai besoin d’être concentrée, rien de tel que l’ambiance d’un café parisien.

 

Parlez-nous du Cordelia Coffee Flower Shop, au 14 rue du bac, votre boutique de fleurs et salon de thé ?

C’est mon univers, mon ADN. Je suis passionnée par la botanique. Je cultive des fleurs dans mon jardin personnel dans l’Oise, et je voulais donner envie aux gens de planter leur petite graine dans la vie -quelle qu’elle soit- et de profiter de sa récolte. C’est l’idée très agricole de la botanique qui m’intéresse. C’est l’histoire que je raconte dans ce coffee shop qui tourne autour du circuit court et de la saisonnalité. J’y vends les fleurs et plantes de mon jardin, mais pas que : je sélectionne aussi des plantes exceptionnelles de producteurs français. On a des fleurs rares, des tulipes pivoine éclatantes… La nouveauté est que le lieu est en rénovation cet été et que nous rouvrirons en septembre avec un vrai restaurant, du déjeuner au diner, en passant par l’heure du thé, le tout orchestré par mon fils, qui est en le chef et le pâtissier. Ainsi, je suis sûre que les gens pourront avoir de bons petits plats !

 

La passion de la botanique est un point commun avec Monsieur Dior…

Effectivement, il était véritablement passionné, bercé par les catalogues Vilmorin de sa mère, fou de son jardin. Il avait autant besoin de cette nature que moi, c’est la raison pour laquelle je dis que je m’entends bien avec son fantôme – on se parle beaucoup (rire)-. C’est un lien fort entre nous. En tout cas il a été très inspirant pour moi au cours de mes 15 ans dans la maison Dior.

 

Vous venez de signer un nouveau livre, « Du jardin à la maison » (Ed. Rizzoli), qui parle de jardinage, d’art floral et décoration. Dites-nous en plus ?

Mon jardin, c’est mon laboratoire d’expérimentation, c’est là que tout commence : les dessins que l’on va retrouver dans les imprimés, le design des verres pour Dior maison, les textiles… En fait, tout est nourri par ce jardin. Dans ce livre, je voulais raconter l’histoire de ma logique créative, comment je joue avec les fleurs, comment je compose mes bouquets ou le décor des tables, avec des éléments vintage – parce que cela fait partie de mes sources d’inspiration – et de la simplicité.

 

Vous êtes également directrice artistique du groupe Paris Society, parlez-nous des adresses que vous avez signé pour le groupe ?

Il y a le Café Lapérouse à l’hôtel de la Marine, Chez Laurent, une institution… Un de mes premiers chantiers a été l’Abbaye des Vaux de Cernay, 12 000m2. L’Abbaye était une magnifique endormie, c’était complètement magique. J’ai essayé de la restaurer de manière presque invisible, et c’est ce que j’aime faire, j’aime qu’on ne voie pas mon passage, laisser l’impression que tout a toujours été là… Il faut dire que je suis abonnée aux vieilles pierres !

 

Vous avez également réinventé le design intérieur de la pâtisserie Ladurée, rue Royale…

Les codes esthétiques étaient déjà là : Je suis repartie des archives de la maison. Peu de gens le savent mais l’adresse originelle de Ladurée, rue royale, était une boulangerie, créée en 1862. J’ai refait des dessins à l’esprit du XVIIIe siècle qui s’invitent sur les murs avec tous les ingrédients que l’on retrouve dans les macarons aujourd’hui, avec l’esprit des fresques d’antan.

 

Un mot sur le rooftop du Marta à l’hôtel Fouquet’s, sur les Champs-Elysées ?

On a réalisé un joli petit boudoir, un jardin suspendu autour de la cuisine de Pierre Gagnaire. C’est un pop-up en terrasse, avec une scénographie fleurie garnie de tentures, coussins, parasols, j’ai dessiné les imprimés, les sièges, etc.

 

Et le bar de l’hôtel Raphaël, avenue Kléber ?

La restauration du Boudoir de l’hôtel a été très subtile parce que le bar est un lieu historique et iconique. On a rafraichi l’espace, mais il n’y a pas de changement majeur. L’hôtel est fermé pour rénovation et rouvrira en 2026.

 

Vous avez signé le design de la couverture du Bottin Mondain cette année. Comment ce projet est-il né ?

L’équipe m’a demandé de réfléchir à un projet et aimait bien cet imprimé fleuri baptisé Rochecotte. De mon côté, ça m’a rappelé mes souvenirs d’enfance parce que maman collectionnait le Bottin Mondain et je m’en servais beaucoup pour… presser mes fleurs ! L’idée m’a fait sourire, c’est la raison pour laquelle je l’ai recouvert de fleurs.

 

Est-ce que vous dessinez tous vos textiles et imprimés ?

J’en fais quelques-uns, mais c’est un travail d’équipe, je ne prends pas le crédit total. Je dis toujours qu’il faut s’entourer de gens plus talentueux que soi ! D’abord je n’en aurai pas le temps, et puis mon rôle est de donner le go et la ligne directrice.

 

Quel est votre prochain projet parisien ?

Le décor d’un très joli hôtel particulier 5 étoiles à Saint-Germain qui ouvrira début 2027, rue Cassette, un bijou de 50 de chambres.

 

©Photos en Noir &Blanc : ©Dior Maison